Les "Favelas" de Rio de Janeiro - "inconvénient social" ou "nostalgie brésilienne"?


Thèse de Bachelor, 2006

18 Pages, Note: 2,0


Extrait


Table de Matières

1.Qu’est-ce qu’ une habitation?
1.1 « Architecture »
1.2 « Bâtir »
1.3 « Bricoler »

2. Les bidonvilles
2.1. Définition
2.2 Les favelas (bidonvilles) à Rio de Janeiro, Brésil
2.3 « Inconvénient social » ou « nostalgie brésilienne »?
2.3.1 L’« inconvénient social »
2.3.2 L’« Esthétique » des favelas
2.3.2.1 Mouvements artistiques dans les favelas
2.3.2.2 Trois figures conceptuelles : le fragment, le labyrinthe, le rhizome

3. Changement architectural et urbain- les interventions dans les favelas-une critique

Dorit Schneider

S 6- travail de fin d’études, Licence

« Nous avons perdu la signification propre du verbe « bauen » (b â tir) à savoir habiter » 1

Il paraît qu’aujourd’hui la signification du mot habiter n’est plus la même :

l’Architecture- n’est -ce pas grâce au premier besoin d’habitation que l’architecture s’est développée ? Quel rapport existe-t-il aujourd’hui entre l’habitation et l’architecture ?

Le texte suivant veut analyser ce rapport en se servant d’un exemple d’auto- construction, plus précisément, des favelas (bidonvilles) qui incorporent des constructions primitives de l’habitat ; une architecture sans architectes.

1.Qu ’ est-ce qu ’ une habitation?

« Habiter » représente un des instincts primordiaux pour l’homme. Pour mieux décrire cet « instinct » de créer une habitation, servons nous d’ une image familière, d’un jeu auquel tout le monde a déjà joué :

L’image est quelconque et peut être déplacée á n’importe quel endroit, n’importe quel moment : Deux enfants jouent dans le jardin, dans la cour, dans la forêt ou dans la maison, ils ne possèdent aucun outil particulier, ni de jouets, ni de règles pour ce jeu, seulement leur propre imagination et créativité. Après une première décision spontanée, les deux enfants vont chercher des « matériaux » afin de réaliser leur jeu , le jeu de créer une petite habitation . Un parapluie sous une couverture peut être suffisant pour un premier abri, les enfants vont se cacher, « s’abriter », se retirer dans cet endroit où, avec un peu d’imagination, ils vont inventer leur propre monde, un monde qui n’a plus rien à voir avec le monde qui les entoure.

Dans un premier temps, les enfants n’ont peut-être pas l’intention de construire une habitation au sens premier car ils sont déjà logés, ils possèdent déjà le domicile parental. Le jeu peut être considéré alors comme un jeu de « délimitation »:

En créant leur propre « monde », les enfants se bornent, se retirent dans leur nouvel espace et s’approprient ce dernier, l’espace qui n’est plus celui de leur parents mais le leur. Cet espace personnel peut être considéré comme une délimitation entre l’extérieur et l’intérieur, il est essentiel.

Cet instinct de créer un propre espace, une habitation propre, peut également être décrit comme faisant partie de la« pensée sauvage » des premiers hommes primitifs. Une pensée qui a été formulée pour la première fois par Lévi-Strauss2 au milieu du 20ième siècle. L’instinct de délimiter son territoire peut être transmis dans n’importe quelle situation, on la retrouve également chez les indiens qui construisent des tentes, chez les eskimos qui construisent des igloos afin d’abriter leurs familles ou encore chez les hommes de l’age de pierre qui se cherchent des grottes. Dans ces exemples, chaque peuple est à la recherche de son territoire, son propre espace. Prenons un exemple des peuples nomades du désert qui n’ont pas besoin d’être abrité, c’est à dire d’un habitat couvert, car ils se déplacent sans cesse menant une vie de voyage. Ils plantent quelques bâtonnets dans le sol pour délimiter leur « home » . Ils dorment entre ces bâtonnets et disposent autour d’eux les quelques objets qui définissent leur foyer. Ce foyer peut être considéré comme ce que l’on appelle chez nous un« home sweet home », un espace personnel, un des besoins les plus importants et les plus basiques.

L’exemple simple des nomades qui n’ont besoin que de quelques bâtonnets pour leur espace habité, en apparence minimal, nous montre le caractère synthétique de tout habitat humain, fait d’interaction entre le milieu écologique, les relations humaines et les moyens techniques.

Entre autres, il nous rappelle aussi que la plupart des habitations ne sont pas construites par des architectes de métier, mais par leurs habitants eux mêmes. Les deux enfants et les nomades du désert ont un point commun : c’est une« auto construction », le fait de construire eux mêmes. En outre, on apprend que habiter n’implique pas uniquement le besoin de « recouvrir » à une « architecture ».

Comment alors peut-on décrire cette façon de construire ? Est-ce que l’auto-construction peut tout de même avoir le « statut » d’architecture ?

Certains dictionnaires expliquent simplement l’architecture comme l’ «art de construire », mais on s’accorde généralement à reconnaître que ce mot a pris aujourd’hui une notion plus précise, qui implique l’idée d’une conception, d’un ensemble, donc d’effets esthétiques particuliers, c’est à dire bien autre chose que la simple technique de la construction.

1.1 « Architecture »

D’après l’étymologie du mot « architecture » ce dernier se compose du grec : [arché] qui signifie commencement, origine, base ou « le premier » et [techné] qui signifie l’art ou artisanat. Mot à mot, on pourrait traduire le mot comme « premier artisanat » ou « premier art ». A l’origine le mot architecture se confère à l’activité et au savoir de l’architecte (vieux grec : architectos = artisan supérieur). La définition est donc dépendante de la description du métier de l’architecte. Cette description a changer de sens plusieurs fois dans l’histoire et son ambiguïté s’est portée surtout sur la deuxième partie du mot : [techné] peut être compris comme art, technique ou tectonique. Avec « architecture », on peut décrire une relation structurellement organisée entre les éléments matériaux et idéaux. Bien entendu, on oublie avec cette définition l’élément artistique qui est intrinsèquement rattaché au mot.

Que comprend-t-on aujourd’hui par « architecture » ? Peut-on parler de l’architecture lorsqu’on pense à l’auto construction ?

Paola Berenstein- Jaques, qui a publié deux livres traitants des aspects esthétiques des favelas (bidonvilles) comme une sorte de l’ « auto construction », a appris de la part d’Oskar Niemeyer que « malheureusement le terme architecture ne [concernait] que l ’ architecture des é lites, du pouvoir et des riches. » 3

D’après la définition du mot « architecture », qui comprend l’architecture comme un artisanat (ce qui vient du mot art), il est indéniable que les bidonvilles, ou ce qu’on appelle l’auto construction, peuvent difficilement être considérés comme architecture.

Dans certaines encyclopédies, on retrouve le terme de d’ « architecture primitive » ou d’ « architecture vernaculaire », un terme pour décrire l’ »architecture sans architectes ».

Qu’est-ce qu’une œuvre architecturale ? Apparemment, il ne suffit pas de « bâtir » . Une œuvre architecturale peut-elle se révéler œuvre artistique ? Ainsi quand s’agit-il d’une œuvre artistique? Paola Berenstein nous donne une première réponse à cette question complexe : Où il y a des artistes qui font de l’art, on peut parler d’ œuvre artistique quand il y a une volonté artistique affichée. Or, quand les habitations des bidonvilles sont crées, on ne peut certainement pas parler d’une volonté artistique. Les habitants des bidonvilles ont l’intention d’abriter leurs familles et, au départ, ils ne se préoccupent pas de l’esthétique de leur habitation. Néanmoins, on entend souvent parler de la nostalgie des « favelas » (bidonvilles au Brésil), de sa culture exceptionnelle ; un mythe, presque magique qui entoure ces endroits que l’on ne connaît pas mais dont on a entendu tant de choses. On y retrouve une esthétique singulière, notamment mentionnée dans les textes de Paola Berenstein-Jaques ou les favelas sont considérées comme une œuvre artistique- une perception décrite dans le texte suivant .

Il ne suffit pas de bâtir afin de créer une œuvre architecturale :.. Que veut donc dire bâtir ?

1.2 « B â tir »

« B â tir n ’ est pas seulement un moyen d ’ habitation. B â tir est d é j à de lui-m ê me habiter. » 4

L’homme cherche un lieu pour y résider et séjourner, puis il bâtit et se crée un espace pour y vivre. Aussi l’homme habite quelque part dans la mesure où il prend soin d’un lieu et se décide de transformer, de rassembler des éléments constitutifs de l’espace pour y faire un « lieu », un lieu pour habiter.

Généralement, « bâtir » peut être décrit comme « produire », « créer » ou « faire paraître ». Alors qu’ à l’origine « bâtir » avait un lien direct avec le fait d’habiter comme le décrit Heidegger :

« Que veut dire maintenant b â tir ? Le mot du vieux haut-allemand pour b â tir, buan, signifie habiter. Ce qui veut dire : demeurer, s é journer. » Heidegger dit ensuite que « Nous avons perdu la signification propre du verbe bauen (bâtir) à savoir habiter »5. Ainsi l’on peut se poser la question sur le lien qui existe aujourd’hui entre habiter et bâtir : A t-on toujours la même intention en bâtissant, l’intention est-elle toujours la même que celle d’un instinct primordial : d’ habiter, c’est à dire de créer un propre espace, d’y demeurer et d’y séjourner ? Par extension, cette « occupation d’un lieu » est considérée par Heidegger comme un « Grundzug des menschlichen Daseins » (élément principal du Dasein ( « ê tre » ) humain). Le sens du mot « bâtir » représentait un besoin clair, loin de son interprétation actuelle ambiguëe.

1.3 « Bricoler »

Revenons sur l’image des deux enfants mentionnée précédemment, jouant dans le jardin, dans le lit de leur parents ou dans la forêt :

Les deux peuvent se servir de matériaux presque illimités ; tous ce qu’ils trouvent peut être utile pour la future habitation : Le parapluie et la couverture, des branches trouvées dans la forêt pour construire une petite cabane au sommet d’un arbre ; la créativité est infinie.

Les enfants pratiquent ce qu’on appelle du « bricolage » : ils utilisent tous ce qu’ils trouvent pour nourrir leur créativité, afin de combiner les différentes pièces et d’en former un ensemble. Selon Lévi-Strauss le bricolage est un « travail dont la technique est improvis é e, adapt é e aux mat é riaux, aux circonstances. » 6

Cela engendre une façon de travailler en zigzaguant, en détournant les objets de leur utilisation, le résultat de ce travail est aléatoire, il ne peut pas être prévu. En outre, le travail du bricoleur, surtout dans le cas des habitants des bidonvilles, reste indéterminé.

[...]


1 Martin Heidegger, B â tir, habiter, penser, Essais et conférences, Paris, 1958

2 Levi-Strauss: La pens é e sauvage, Paris, Plon, 1962

3 Paola Berenstein, Esth é tique des Favelas, L’Harmattan,, 2002

4 Martin Heidegger, B â tir, habiter, penser, Essais et conférences, Paris, 1958

5 Ibid.

6 Levi-Strauss: La pens é e sauvage, Paris, Plon, 1962

Fin de l'extrait de 18 pages

Résumé des informations

Titre
Les "Favelas" de Rio de Janeiro - "inconvénient social" ou "nostalgie brésilienne"?
Université
Ecole nationale supérieure d'architecture de montpellie
Note
2,0
Auteur
Année
2006
Pages
18
N° de catalogue
V144562
ISBN (ebook)
9783640548460
ISBN (Livre)
9783640552030
Taille d'un fichier
431 KB
Langue
français
Mots clés
Favelas, Rio de Janeiro, bidonvilles, Paola Berenstein-Jaques, esthétique des favelas, Architekturtheorie, Raumwahrnehmung
Citation du texte
Dorit Schneider (Auteur), 2006, Les "Favelas" de Rio de Janeiro - "inconvénient social" ou "nostalgie brésilienne"? , Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/144562

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